Londres, 2000.
Mes yeux étaient emplies de larmes que je tentais vainement de contenir. Lucy aussi était triste. Elle ne voulait pas déménager parce qu'on s'était promis de rester ensemble toute notre vie, nous, les meilleures amies du monde. Mais ses parents n'étaient pas aussi riches que les miens, son père était au chômage et il ne pouvait pas refuser cette offre d'emploi en Allemagne.

- Je t'oublierais pas, je te le promets. Tu seras toujours ma meilleure amie. Me dit-elle à l'oreille.

Puis elle lâcha ma main et s'en alla pour toujours.

Londres, 2002.
- Liz, elle est où maman ? Demandais-je à ma nourrice et gouvernante, une femme d'une quarantaine d'années.
- Madame est en voyage, miss. En Afrique.

Jamais là, comme toujours. Je souris à Elisabeth, alias Liz, et pris ma jolie poupée, la coiffant docilement, comme faisait toute gentille petite fille qui se respecte. La gouvernante déposa un rapide baiser sur mon front, me recoiffant les cheveux au passage, avant de se diriger vers la sortie.

- Bonjour monsieur.
- Bonjour Liz.

J'entendis des pas derrière moi puis un froissement de tissus. Je me retournais et vis mon frère accroupi juste à côté de moi. Il était beau dans la lumière du matin, ses cheveux blonds semblaient fait d'or et son sourire faisait briller ses yeux bleu. Luke avait 4 ans de plus que moi, mais pour mon père, c'était déjà un homme fait. Il plaçait toutes ses espérances en lui, le voyant déjà comme son associé dans l'immense entreprise qu'il s'était échiné à bâtir pendant de longues années.

- Elle est en Afrique.
- Je m'en fous d'où elle peut bien se trouver. Pareil pour papa. On s'en fous d'accord ?! Me répondit-il.
- Arrête ! C'est pas de leur faute si...
- Tu as bien dormi ? Me coupa-t-il.

Il me sourit d'un air innocent et me prit la main. Je soupirais. Il faisait toujours ça quand il ne voulait pas parler d'une chose qui le mettait hors de lui. Mon frère ne se mettait jamais en colère, il ne montrait jamais le fond de sa pensée. Sauf avec moi. Et encore. J'attendis quelques secondes avant de lui répondre, préférant regarder le paysage par la fenêtre. Nous habitions dans un quartier riche de la banlieue londonienne, un quartier bourgeois. Mes parents avaient également un immense appartement en plein cœur de la capitale, d'autres à Paris, à New York, à Los Angeles et une villa en Australie, souhait de ma mère qui n'oubliait pas ses origines. Nous avions tout ce que nous désirions, mon frère et moi, et c'était grâce à nos parents. Et quand leur vie professionnelle sera plus calme, ils reviendront vivre avec nous et tout sera parfait. Luke avait tort.

Londres, 2005.
J'ouvris la porte sans frapper et découvris mon frère occupé à réchauffer une de ses blondasses trop vieilles pour lui. Il se sépara d'elle, un brin agacé, et me fixa. Son expression changea à ma vue et il intima à la femme de partir. Celle-ci me regarda d'un air dédaigneux, rit doucement avant de replonger vers le cou de Luke. Ce-dernier la poussa sans ménagement et lui opposa un de ses regards froids dont il avait le secret. Je n'arrivais plus à contenir mes tremblements, mes larmes menaçaient de couler d'une seconde à l'autre. Enfin elle s'en alla, se dandinant dans sa jupe trop courte jusqu'à la porte.

- Rose...

Je m'élançais vers lui et me blottit dans ses bras, laissant enfin mes larmes couler. Il m'entoura de ses bras et posa son menton sur ma tête, me berçant doucement.

- Bâtarde ! Ils m'ont traité de bâtarde ! Dis-je, ma voie rendue presque incompréhensible par mes tremblements.
- Qui ? Me demanda-t-il d'une voie calme.
- Des gens, à... à l'école. De bâtarde ! Ils... Ils ont dit que papa et... et maman étaient infidèles, qu'ils... qu'ils le savaient et que... que...

Je levais les yeux vers Luke. Aucune émotion sinon la compassion ne transparaissait sur son visage. J'écarquillais les yeux. Pourquoi ne semblait-il pas surpris ? Il aurait du être choqué ! Ma confusion se lisait sur mon visage ce qui creusa une ride entre ses deux sourcils. Il prit mon visage entre ses mains et me dit :

- Peu importe. Ces commérages de bonne femme ne peuvent nous atteindre. Nous sommes au-dessus de tout cela, d'accord ?!.
- Mais... Est ce que... Bredouillais-je.
- Peu importe ! On s'en fous !

Je secouais la tête. Non, pas cette fois, je ne voulais pas abandonner.

- Rose... Oublie, je t'en prie.

Et je vis pour la première fois la tristesse dans ses yeux. Celle qu'il avait accumuler durant toutes ces années et qu'il s'était échiner à refouler au plus profond de lui-même. Comment pouvait-on faire ça à son enfant ? Je soupirais et enfouit la tête dans son cou.

- Promets-moi que tu ne pleureras plus jamais. Pour personne, ami ou ennemi. Et encore moins pour papa et maman. Profite de la vie, souris, amuse-toi. Mais surtout, il prit encore une fois mon visage entre ses mains, séchant mes larmes avec ses pouces, ne laisse personne t'atteindre. Que ce soit par la colère, l'amitié, la tristesse ou l'amour. Jamais.

Hill Valley, 2009.
- Oui, c'est ça Rose... Bien ! Regarde à droite maintenant.

Le photographe me mitraillait, ne cessant jamais de parler. J'étais l'un de ses modèles fétiches. Depuis le temps qu'on se connaissait, il me prenait presque pour sa fille, m'ayant invité plusieurs fois au restaurant avec sa famille. Je l'aimais bien, ce n'était pas un pervers.

- C'est tout pour aujourd'hui. Merci, Rose. On se voit dans une semaine, c'est ça ?
- Oui, chef. Dis-je, en mimant le salut militaire.

Il rit avant de remballer son matériel tandis que je me dirigeais vers le paravent pour me changer. Un mouvement attira mon attention sur la droite : c'était l'assistant du photographe, faisant semblant de s’intéresser à un oiseau qui passait par là, ne cessant de jeter des coups d'oeil vers moi. Je fis semblant de ne rien voir et me déshabillais devant lui, avec une lenteur délibérée, riant intérieurement de son air stupide.

- Bye !

Je montais sur mon skate et m'élançais sur la route principale. Nous étions arrivés en Australie il y a 3 ans, emménageant dans la somptueuse villa familiale que nous ne réservions alors que pour les été. C'était d'ailleurs toujours le cas pour mes parents. Et mon frère également. Il s'était trouvé un nouveau chez-soi à New York, me privant par la même occasion de la seule personne que j'aimais réellement. Je vivais donc seule, avec les domestiques et mes animaux.

Hill Valley était un vrai paradis sur Terre. J'étais populaire, tout le monde m'aimait au lycée et dans la ville. Souriante, complètement folle, une fêtarde mais toujours très gentille avec les personnes âgées. On me prenait pour une tête en l'air, une fille simple et cool. Je couchais avec n'importe qui et donnait tout l'amour que je n'avais pas. J'étais libre, mes parents me laissaient faire tout ce qui me passais par la tête. La belle vie. Vraiment super méga géniale.

Je m'engouffrais dans la forêt, heureuse de passer une nouvelle journée en pleine nature. Je m'allongeais dans l'herbe et fermais les yeux. Dans deux ans, j'irais en école d'art dramatique et après... on verra bien. J'étais riche, je n'avais pas à me préoccuper de l'avenir.