Elle avait passé la journée dans son lit. À broyer du noir. Excédée pour une raison mystérieuse. Elle n'avait envie de rien, n'avait goût à rien. Elle se foutait de tout ce qui l'entourait, et tout ce qu'elle voulait, c'était rester fourrée dans son lit. Voilà ce que c'était, lorsqu'elle était en épisode dépressif. Comme une dépression, avec la durée en moins. Demain, peut-être, elle ouvrirait les yeux en sautillant de joie, débordant d'énergie. Là encore, pour une raison mystérieuse. Sookia n'avait pas besoin de raison, son humeur était instable, et c'était comme ça. Elle n'était pas lunatique, contrairement à ce qu'on disait d'elle. Elle était bipolaire. Cependant, Sookia s'était forcée à quitter son nid douillet. Parce que si ça continuait, Silas allait s'inquiéter. L'inconvénient de vivre en colocation, et de cacher ses maux. Elle devait se forcer, et faire semblant. À la longue, elle y arrivait bien. Mais c'était fatiguant, c'était chiant. Mais c'était Silas. Et c'était lui qui lui insufflait la force de résister, et de vouloir remonter la pente. Ça avait toujours été comme ça. Silas, une histoire compliquée. Ou pas en apparence, en tout cas. Si ils se comportent comme des meilleurs amis, voir même comme un couple, elle ne considère leur relation ni comme l'un, ni comme l'autre. Un vaste point d'interrogation. Sookia snobe la question lorsqu'on lui demande. Elle l'aime. Mais pas comme un ami, pas comme un amant, et pas comme un frère. Elle dit juste qu'elle l'aime. Et que s'il venait à la quitter, à la remplacer, elle ne s'en remettrait jamais.

« Bouge ton cul, tu vois pas que tu prends toute la place ? » Sookia foudroya du regard son interlocuteur, qui bafouilla quelques excuses inutiles en s'empourprant. Elle ne daigna pas le pardonner, ou faire un petit sourire compatissant. Non, son regard était toujours aussi dur, toujours aussi froid. Ne montrant aucune pitié. Elle l'incita à se dépêcher d'un geste de la main, agacée. Elle était pressée. Les minutes étaient comptées si elle voulait arriver à l'heure. Poussant les portes, Sookia chercha sa cible avec avidité. Où es-tu ? Si j'étais Silas, où est-ce que je poserai mon petit cul sexy ? se demanda-t-elle. La réponse jaillit dans son esprit. Au bar, bien sûr. C'est donc dans cette direction qu'elle se dirigea. Et elle avait eu raison. Car il était posé là, sur une chaise. Mais Sookia s'arrêta net, choquée. Il était avec une fille. C'était donc ça, son petit manège mystérieux.... Il voyait quelqu'un ! Depuis combien de temps ? Elle fronça les sourcils, serrant les poings. Puis elle fonça vers sa cible, déterminée. Se positionnant à côté de son Silas, sa main se posa avec délicatesse sur son épaule, frôlant sa joue au passage -histoire qu'il comprenne qui c'était-. Elle se pencha ensuite, posant ses lèvres contre les siennes. Rien d'inhabituel chez eux. Mais qui déstabilisa l'inconnue. Sookia se tourna tout naturellement vers elle, son visage ne montrant aucune trace de gentillesse, bien au contraire. « Dégage, il est pas à vendre. » La demoiselle allait répliquer, mais Sookia claqua la langue sur son palais, lui intimidant le silence. Elle pointa son doigts vers les portes. « La sortie, c'est par là. » Et elle décampa, ne sachant pas comment réagir face à cette harpie. Une fois seuls, Sookia porta son attention vers Silas, prenant une voix affectée. « Je n'aime pas les secrets, tu sais. » Elle savait que Silas lui en voudrait pour ce qu'elle venait de faire, mais elle s'en fichait. Elle connaissait les moyens pour se faire pardonner.

Ce qu'elle veut faire plus tard ? Vaste question. Déjà petite, elle était incapable de trouver une réponse satisfaisante. Sookia s'est toujours vue musicienne, mais sans jamais vraiment trouver une opportunité. Pianiste de talent, mais bien trop instable pour tenir ses engagements, elle enchaîne les représentations, sans lendemain. Sa vie est bien trop désorganisée pour rimer avec quelque chose. Sookia sort beaucoup, boit beaucoup, fume beaucoup. Elle aime faire la fête, elle aime danser, rigoler. Manipuler, aussi. Car si elle redoute l'amour, elle a besoin d'affection. Elle a besoin de se sentir aimée, chérie. Même si cela ne dure qu'un soir. Alors elle enchaîne les relations sans lendemain, n'osant pas franchir le pas. L'amour détruit. Et Sookia n'est pas prête pour vivre ça. Derrière cette allure de femme sûre d'elle, au regard flamboyant et à la langue bien pendue, se cache une Sookia fragilisée, traumatisée par une enfance qu'elle a enfermé dans un coin sombre de sa mémoire.